Littérature orale
de
Slovaquie
LÉGENDES La Dame blanche de Levoca
La Slovaquie compte trois Dames Blanches, l’une de Bratislava, l’une du château de Bojnice, et une autre de Levoca. L’histoire de la Dame Blanche de Levoca est basée sur Julia Korponayova, dont on dit qu’elle espionnait les affaires du pays pour le compte des Habsbourg à Levoca, une ville qui était autrefois entourée par l’armée des Habsbourg à l’extérieur de ses murs. On dit de la Dame blanche qu’elle serait devenue l’amante d’un baron hongrois. Pendant la nuit, elle aurait volé les clés de la ville et aurait laissé entrer l’armée, conduisant à la chute de la ville. Cela ne l’empêcha pas pour autant d’échapper à une fin malheureuse…
Esprits des forêts.
Les Slovaques du Marchfeld (Moravie orientale) croient à l'existence dans les forêt d'un esprit appelé "Kacinka" (lisez Katchineka). Elle a la forme d'une vieille femme, très obèse, aux pieds d'oie, aux yeux et au nez couleur de feu. Ses cheveux longs, très noirs, tombent jusque sur le sol. Si elle rencontre des enfants méchants elle les fait culbuter sur un manche à balai qu'elle porte avec elle; à cette occasion ils ne manquent pas de se casser les dents.
Mais elle déteste surtout ceux qui troublent la vie des forêts. C'est probablement à cause de cela qu'elle persécute les voleurs de bois et qu'elle leur coupe un morceau de chair du talon si elle les attrape. Elle est encore plus hostile aux gens qui tendent des filets aux oiseaux et aux lièvres.
Elle possède aussi un pouvoir magique et à cet égard on raconte à Zankendorf l'histoire suivante :
Il y a longtemps, dans ce village, vivait un bûcheron marié et très pauvre. Un jour voyant qu'il ne pouvait trouver aucun remède à sa misère il prit la décision d'aller dans une proche forêt de pins et d'y chercher le rameau magique dont il avait entendu parler et grâce auquel celui qui le possède peut avoir autant d'argent qu'il veut. Comme c'était l'hiver et que la neige avait couvert tous les chemins et tous les sentiers, il marcha si doucement qu'il put surprendre la Kacinka qui était en train de casser les branches d'un haut pin. Dès qu'il l'aperçut, il se cacha derrière un tronc épais et continua à l'observer. Elle mit toutes les branches dans son tablier et marcha ensuite trois fois autour de l'arbre. Puis elle poussa un cri qui ressemblait plutôt au beuglement d'un taureau et soudain un sanglier noir apparut devant elle. Elle sauta sur son dos et disparut aussitôt. Le pauvre bûcheron rampa à quatre pattes à l'endroit abandonné par elle et trouva dans la neige trois ducats en or. "Oh! c'est la vieille qui les a perdus sans doute," se dit-il et il empocha l'argent. Puis pour retrouver un jour le tronc du pin il fit une marque : un signe de croix et courut de toute sa vitesse chez lui.
Peu de temps après l'argent fut dépensé. Le bûcheron se rendit alors de nouveau dans la forêt. Cette fois il remarque qu'une petite branche avait poussé à l'endroit qu'il avait marqué de la croix. Mais sa couleur était un peu bizarre : tantôt très blanche, tantôt très jaune. Sans réfléchir longtemps, il cueillit la branche et la mit dans sa poche. Cependant comme il s'apprêtait déjà à partir il entendit un bruit intense comme si un express traversait la forêt. Plein de terreur il se jeta vite par terre et se couvrit de sa pelisse. A peine l'eut-il fait que la Kacinka parut devant lui. Elle était assise sur son sanglier et regarda le bûcheron fixement, puis montra avec le doigt l'endroit où il avait enlevé la branche. Mais le bûcheron avait, malgré tout, encore assez de présence d'esprit pour se rappeler quel moyen rendrait la Kacinka inoffensive. Il s'élança contre elle en criant "Svaté Youro!" (Saint-Georges!) et lui cracha au visage. Immédiatement tout disparu. Alors le bûcheron retourna chez lui, et plaça le rameau magique sur le toit de sa maison dans la gouttière. Depuis ce jour toutes les fois qu'il pleuvait il n'avait qu'à recueillir les goutes qui en coulaient et il avait autant de monnaies d'or et d'argent qu'il voulait.
V. Brugiel. In Revue de traditions orales n°11. 1900 p 572 - 573