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Littérature orale et théâtre méridional contemporain par Claude Alranq

   Claude Alranq est à la fois, comédien, écrivain, conteur et chercheur. Fondateur du "Théâtre de la Carrièra", il a bâti une oeuvre autour du théâtre populaire et de la littérature orale languedocienne. Auteur de plusieurs pièces, il a publié récemment aux éditions Domens un ouvrage intitulé "Théâtre d'Oc Contemporain".
   Il nous propose ici un premier article sur les rapports étroits qu'entretiennent la littérature orale et le théâtre populaire occitan. Nous le retrouverons ultérieurement pour approfondir certaines questions restant en suspens dans ce domaine.

   Définir un patrimoine "régional" de littérature orale est problématique, dès lors qu'on sait que le vecteur principal de cette littérature est la parole et qu'elle a colporté contes, légendes, et récits sans aucun souci des propriétés et des frontières. S'abstenir d'évoquer cette question des origines et des identités est tout autant problématique, lorsqu'on constate la diversité des paroles et des façons de dire.

  Définir serait usurper, ignorer serait occulter. Peut-être serait-il plus exact de chercher, non pas une propriété identitaire mais une tendance qui prédispose chaque communauté humaine à user de telle piste ou à chevaucher tel imaginaire...

   Sur ce principe, reposons-nous la question du patrimoine méridional de la littérature orale en constatant d'abord ses principales matrices linguistiques : l'occitane, la française et tous leurs corollaires : le francitan, le français régional, le bilinguisme et les diverses parlures où la diglossie étale ses inhibitions et ses inventions. Nous reviendrons brièvement sur cette diglossie, qui témoigne non seulement des rapports de force entre les langues mais aussi de figurations de styles spécifiants. Constatons un deuxième ordre de questionnement : faut-il se référer à la seule parole éditée, à la parole dite, à la parole sélectionnée selon quel critère littéraire ? Nul doute que chacun de ces aspects mérite attention mais le sujet devient trop vaste pour un article. Limitons-nous à un seul paramètre : le périmétre de la littérature orale visité par le théâtre d'expression occitane et française des cinquante dernières années, quelques mille quatre cent pièces.

   Dans l'ensemble national, ce théâtre peut être qualifié de "minoritaire". Ce n'est ni une damnation, ni un péché mignon. Un simple état de fait qui prend en compte sept siècles d'histoire marginale et de non-codification académique ou institutionnelle. Comme tous les théâtres de ce tiers-état culturel, le théâtre méridional entretient des relations privilégiées avec la littérature orale. De facto, parce que très longtemps il est resté une littérature du bouche-à-oreille et du geste-à-oeil, et a contrario parce que ses prétentions à devenir une vraie littérature dramatique sont très significatives et dépendantes de l'état socio-culturel précédent. Ce caractère particulier (minoritaire très lié à l'oralité) crédibilise un peu notre angle d'approche et présente l'avantage d'avoir une perception non pas sur le texte édité ou sélectionné mais sur l'action, c'est-à-dire des choix affirmés et pratiqués par des méridionaux d'origine ou d'implantation pour l'expression dramatique orale (l'expression éditée ne venant qu'a posteriori par renom personnel ou par consécration suffisante des oeuvres représentées).


Applications et adaptations

   Hormis le cas d'une vingtaine de contes (1), choisis par des conteurs dramatiques ou par des troupes en raison de leurs qualités plus comiques que merveilleuses, c'est dans l'ethnographie générale du Midi de la France que l'on repère les sujets, les personnages et les situations qui donnent matière aux représentations théâtrales les plus directement liées au répertoire de l'oralité. Le théâtre d'oc pour l'enfance est l'agent principal de retranscription. Henri Mouly fut, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, l'un de ses précurseurs, mais ses oeuvres pour les enfants demeurent très "réalistement" liées aux rapports de l'homme, du travail, de la terre et des animaux. Ce n'est que vers les années 1978 qu'apparaît un théâtre pour l'enfance véritablement ouvert à toutes les dimensions de l'imaginaire d'oc. Son parcours dénote quelques ferveurs :

- une localisation occitane autour des épicentres que sont la mer, la garrigue (ou la montagne), l'étang (ou le lac) et des lieux magiques comme Pamparigouste qui sont autant d'anti-disneylands naturels.

- un bestiaire de la tradition orale : ours, porc, fourmi, moustique… et aussi " roumeca, tarasca, camacruda, masca, tarnagas, beca-figa…", voire d'autres animaux totémiques.

- des personnages de même conception, soit dans leur représenattion classique (Petaçon, Joan Petit), soit sous des formes renouvelées (Pichon Nanet, Toni Bouilli…).

- des canevas qui privilégient la découverte du pays à travers ses éléments plus naturels qu'historiques, plus ludiques que folkloriques ou sociaux.

  Ces retrouvailles sont l'occasion d'une initiation linguistique et humaniste : le droit à la différence, le respect de l'environnement, la solidarité. Bref, un horizon d'éducation laïque très acceptable par des congrégations, mais pris de court par une actualité où la violence n'a d'équivalent que dans le "terrorisme" des mythologies, par ailleurs écartées. L'on peut se demander si les recours à des écrivains notoires est un pas de plus pour "catharsiser" ces menaces de l'ombre, ou un pas de côté pour contourner par le bien-dire l'abcès qui couve dans les jeunes années. A noter toutefois qu'une nouvelle génération de spectacles comme le "camacruda", qui préfère se faire la dent contre les papas Noël que de participer à leur show-bizz calendaire, comme "Jean de Pas'nloc" qui a appris toutes les langues sauf celle de la femme aimée (elle est "muette"), comme "Gran de Mieh" qui met en regard la Pré-Colombie et la Post-Occitanie… remet à la chauffe des symbolisations affadies (2).


Emprunts et filiations

1- Le comique

   Le théâtre comique n'a certainement pas la propension du théâtre pour enfants pour emprunter des sentes qu'inspire l'oralité. Cependant, en sa matière : le rire, il est d'une systématisation que son homologue est loin d'avoir acquis. C'est peut-être dire que la parole comique méridionale est la mieux retransmise par le relais des générations. Certes, la galéjade s'octroie la part du lion et sa réputation est très peu littéraire. Mais, à y regarder de près, elle dit bien des choses sur une société, ses refoulements, ses défenses, ses fuites. Elle a même certains jeux de corps et d'esprit qui sont un art acrobatique de la métaphore. Aussi demeure-t-elle à l'origine d'un théâtre comique d'oc qui se contenta longtemps d'illustrer ses audaces avec tous les risques du pléonasme. L'impudeur s'habilla de carnavalesque, la fausse pudeur de naturalisme. Les deux filons connaissent toujours de beaux jours même si la sociabilité qui en dicte les contours souffre encore des reculs d'une langue, des métiers et des milieux qui lui firent berceau.
   Ce recul fut un défi que le comique d'oc releva pour le meilleur et pour le pire de son évolution. Entre le théâtre de galéjade des Anglas, Marquier, Arnaud, Pessemesse, Asso… et la comédie fictionnelle des Noucadel, Rami, Garric, Mathiez… ou l'ethno-comédie des Groscaude, Marioo…, il ya un cheminement par la comédie de moeurs (Marquion, Galtier, Palay…) et le burlesuqe (Cayrou, Soubrenie, Meyer…) qui donne à voir un Midi réel, intime et farfelu "boulégué" jusqu'à la dernière de ses certitudes : se prouver qu'il est vivant puisqu'il sait encore rire. En ce sens, ses auteurs comiques méritent le titre d'auteurs communautaires, même si leur contribution est de plus en plus personnalisée.
   Il en est de même pour le filon carnavalesque des jugements de mardi gras, des cours coculières, des charivaris et bouffonneries plus ou moins improvisées. Des auteurs confirmés comme Elardeluno, Boussac, Mossa, Charles Mouly… ont quelques fois prêté leurs plumes pour varier la palette et distribuer les effets. Ils ne se soumettaient pas moins aux obligations de l'oralité festive : transcrire le "mania" d'une collectivité délirante. Le théâtre dit carnavalesque (baroque des années 1950 ou libératoire des années 1970) procède de la même spontanéité. En fait, il est ce que la littérature de Rabelais est à l'oralité grotesque : un surgissement du "ça" dans une esthétique très contrôlée où le "je" d'auteur et le "nous" communautaire se fécondent mutuellement. C'est pourquoi nous l'évoquerons dans un autre cadre.
   Entre comédie et carnaval gravite toute une engeance de diseurs, jongleurs, conteurs maniant la "nliorla", le sketch, la "pastronia", l'humour, le "gaubi", le nonsense…(Padena, Piroulet, Vilanova, Esquieu, Clément, Guers, Bages et d'autres qui font de plus en plus rimer galéjade et tendresse, violence et merveilleux, grand-guignol et poésie).
   A l'heure de la TV, témoignent-ils d'une évolution du goût du public ou bien ce public n'est-il plus le même que celui qui porta aux nues la Catinou de Dominique ou la Tata Vitourina de Francis Gag ? (3). La recomposition de la sociabilité méridionale dans un contexte sud-européen, péri-urbain et néo-rural nous réserve sûrement de prochaines surprises.


2- Le sacré

   Toute aussi populaire que la galéjade est la parole sacrée. Voilà cinq siècles que le Midi a perdu ses grands mystères et les "repons" qu'ils entretenaient entre la brute parole profane et la docte parole des saints. Au XIXème siècle, le genre sacré s'impose d'une façon nouvelle avec la pastorale (4). La pastorale méditerranéenne (est-languedocienne, provençale et nissarde avec les "preseppi") ne cesse depuis sa naissance concomitante à la révolution industrielle d'occuper la scène calendale, à la ville comme à la campagne. Apparemment, elle relève de l'écrit et de la composition musicale. Mais, ses origines ont tellement baigné dans la religiosité populaire et elle a donné lieu à tellement de reprises que son répertoire est devenu quasiment héréditaire chez les acteurs comme dans le public. Chaque année, il s'en crée de nouvelles. A peu près tous les auteurs (5) sont scrupuleux de cette hérédité qui fait genre et qui donne saveur.
   Cette saveur est d'abord l'immensité d'une réminiscence, celle de l'arcadisation d'une Provence que schématise l'inévitable canevas de l'appel des bergers, du départ de la communauté vers la Sainte Etoile, des embûches du chemin et des miracles de l'Enfant Divin. Elle peut être aussi, dans l'étroitesse des écarts tolérés et l'aptitude d'un auteur ou d'un interprète à les assumer de façon novatrice, tout en les faisant partager à un public averti. Comme dans les grands oeuvres orientaux, la tradition semble tout contrôler, et c'est pourtant parce que cette tradition est grammaticale qu'elle ouvre au-delà de la règle intégrée comme un réflexe, une aura de liberté où l'oralité signe avec un rien de choses la marque indélibile d'une personne, d'une date ou d'un lieu.
   Depuis 1980, le sacré prend de nouvelles formes, moins religieuses et pourtant épiphaniques. Le théâtre félibréen les a quelques fois manifestées, entre les deux guerres, dans le style post-classique d'auteurs de talent : Daugé, Camelat, Barthe… A présent, sous la pression du pays touristique autant que sous celle du pays qui ne veut pas oublier, un genre historique fait de célébration (personnages, évènements, sites) ou de reconstitution des métiers, us et coutumes d'antan, fleurit un peu partout. Souvent des initiateurs formalisent les projets (Laugier à Nice, Léon Cordes à Minerves, Guy Brun dans la Margeride…) mais plus souvent encore des foyers ruraux, des comités de fête, des associations de sauvegarde… s'emparent des initiatives avec le faux anonymat de l'oralité traditionnelle. La parole de l'intimité collective, de la nostalgie ou de la mémoire rejaillit sous forme de son-et-lumière, de fresque, de banquet, de saga, de visite animée… entre les tréteaux des producteurs locaux et les dépliants des offices de tourisme. Tout un village, un canton ou un quartier se met à l'heure choisie, exhumant les costumes, les chansons, la gastronomie, la geste de circonstance. S'il y a "à boire et à manger" dans toutes ces cérémonies, il ne faut pas perdre de vue qu'à leur début veillèrent bien des poètes méconnus et qu'il y aurait beaucoup de préjudices à spolier les populations de telles initiatives pour les mettre entre les mains d'opérateurs prestigieux et coûteux (opérateur Decaux-Quilès en pays de Jaurès) ou d'institutions coupées des problématiques locales. A leur façon, ces initiatives racontent un pays et il n'est pas impossible que la compétition inter-locale ou des stimulations provenant d'individualités ou de groupes plus créateurs n'agissent pour éviter la pente du consommisme estival le plus racoleur.
   La dramatisation (lorsqu'elle existe) de la parole historico-légendaire n'est pas sans rappeler les procédés de la fête baroque du XVIème siècle (entrées royales et cortèges divers), de la pastorale de la première moitié du XIXème siècle (ethnotypisation des personnages et machiavélisation du canevas), du folklore de l'après-révolution industrielle (maintenance face à une modernisation qui ne laisse pas d'autre choix que la négation de soi) ou de l'historiographie locale (illustrée à la façon des littératures de colportage), à la nuance près que la mise en légendes, en chroniques ou en pyrogrammes gagne en pluralité de sources, donc en diversité de thèmes et de formalisations.
   Il n'est pas inopportun de signaler qu'une telle vogue excite quelques contre-courants railleurs. Ils sont ( la plupart du temps) le fait des quelques-uns qui furent à l'origine de cette débauche historicienne. Par l'intrusion de la galéjade (Esquieu, Pasturel…), de l'analyse critique (Lafont, Neyton…) ou de la protestation (Garric, Beltrame…), ils veulent éviter que cette légendarisation ne devienne une mystification qui se contenterait de mettre un patrimoine au service d'une conjoncture. Cependant, nous quittons là le domaine de la littérature orale proprement dite pour entrer dans des élaborations plus dramaturgiques. Nous les évoquerons succinctement car leur histoire minoritaire ne cesse d'être à la croisée des chemins de l'oral et de l'écrit : la compensation d'une perte de parole (communautaire) par un repositionnement altératif de l'écrit (personnel).


Traces et anamorphoses

   Si dans le patrimoine populaire (et l'oralité méridionale est avant tout populaire), l'auteur emprunte la voie du "nous" communautaire pour oraliser une mémoire ou un vécu, le passage au "je" peut signifier à la fois une volonté de littérature en même temps q'un recours à l'écrit. Les relations entre ce "je" d'auteur et ce "nous" communautaire n'en demeurent pas moins brouillonnes, voire exquises. Le mouvement félibréen qui a, durant la seconde moitié du XIXème siècle et la première moitié du XXème siècle, fortement concouru à la sauvegarde et à l'enrichissement du-dit patrimoine, n'a jamais vraiment accepté un statut de "droit d'auteur", trop fier était-il de se considérer comme le porte-parole d'un peuple.
   A la veille de la Seconde Guerre mondiale et, plus clairement encore, au lendemain de celle-ci, des poètes (mistraliens et occitanistes) soucieux d'universalité voulurent réveiller une génération méridionale de dramaturges, de romanciers, de conteurs… trop populistes (et médiocres, disaient-ils). Ils conçurent paradoxalement un théâtre très personnel dans sa poétique (le symbolisme des premiers Bayle et Boussac…) et très communautaire dans ses références culturelles (les fables et fabliaux des Fournier, Delavouët, Max Rouquette, René Jouveau…). Quinze ans après, quand une nouvelle génération voulait reparier sur la popularité - par un retour du quotidien dans l'oeuvre (type théâtre-vérité) -certains de la génération précédente (Lafont, Max Rouquette, René Jouveau…) maintenaient le cap en approfondissant leur sens personnel du baroque et en le déployant dans l'histoire communautaire.
   Avec la "génération 68" le "je" d'auteur se voulut le "nous" des masses. Par ses aspects socio-économistes, il pouvait l'être. Il put l'être aussi par l'exhumation radicale des mythes et fêtes d'Occitanie qui formalisèrent bien des oeuvres de cette période. Mais, le "je" d'auteur ne cherchait à se fondre dans le "nous" minoritaire que pour libérer en lui le "ça" d'un refoulement d'histoire et de culture qu'il travestit aussitôt dans la sarabande multicolore de ses tabous politiques et érotiques et de ses carnavals libérateurs. Il fallut attendre les années 1990 pour voir réapparaître plus nettement un "je" d'auteur moins revendicateur du "nous" méridional mais tout aussi attentif à le manifester, non plus dans la turbulence d'une extériorité d'un moi déchiré entre ce qu'il hérite et ce qu'il désire. Ce sont "Malika" (A. Clément) génératrice et dévoreuse de son fils… expérimental ; "Le Fou d'Yrnel" (Vassal) poète et propriétaire d'une corbière malade de son siècle, "L'Astrada" des Calvé-Lautrec-Fabre (Surre Garcia) à la fois rouergate et internationale, "Marcelin Albert" (Vals) passionné et trahi par Bacchus et la Femme-pays, "L'Autre Jaurès" (Alranq) père de l'Internationale ouvrière et avorton malgré lui d'un sème civilisationnel…
    Dans tous les cas, il y a ressourcement à la littérature orale du Midi (référentielle et référentiaire) et investissement d'un être créatif personnel afin que ce patrimoine échappe à la médiocrité, aux redites, au nivellement, à la mort. L'évolution des procédés comiques est à cet égard révélateur. Dans les années 1950, le rire tient pour une bonne part à l'intrusion du dialogue quotidien dans un univers merveilleux, dans les années 1960 au jaillissement d'un fait divers quelque peu extraordinaire dans un monde banalement quotidien, dans les années 1970 au télescopage d'une métapsychologie minoritaire et de procédés tout autant tributaires d'une anthropologie du conte que d'une sociologie tiers-mondiste, dans les années 1990 à un quotidien endiablé par ses tares et ses vertus pour le fictionnaliser jusqu'au mythe. Dans tous les cas, y compris les plus littéraires, le théâtre méridional n'a d'accroche dans la réalité qu'il ne s'invente un merveilleux du contre-point, du prolongement, du soubassement ou du parallèle.
    Comme la littérature créole, le "réel merveilleux" devient sa matière favorite. Les jeux entre la langue d'oc et le français ne participent à cette fantasia que depuis une vingtaine d'années. Il ne s'agit plus seulement d'affirmer la domination d'une langue sur une autre mais de faire vibrer autour de leur présence ou de leur absence les figures d'expression et les structures du discours qui donnent à voir ou à sentir les enjeux de l'imaginaire même.
    Finalement, existe-t-il une littérature orale méridionale en dehors de ce chantier où la femme et l'homme font geste et parole de tout ce qui se passe à portée de mémoire et d'imagination ? La méridionalité (ou l'occitanité) de ce chantier tient à ses antécédents culturels et à l'actualité des questions qui l'assiègent. S'il passe plus à l'écrit ou à l'oral, s'il devient plus ou moins littéraire, c'est pour continuer à répondre présent dans un monde qui avale quiconque se tait ou se réduit au mimétisme dominant. Le recul de la langue d'oc n'a d'égale que la faillite artisanale de la parole en une fin de siècle où elle se fabrique industrialo-mondialement. La reconquête d'une parole à hauteur d'homme n'aura d'égal que le renouveau des cultures et de la créativité qui a fait l'homme dans sa vérité universelle et sa diversité ethno-historique. Le conte a toujours été là pour le dire, le théâtre également, même si leurs racines se perdent à travers les climats, les reliefs et les races.
    Si la médiocrité maintient ce contact particulier entre l'oral et l'écrit, entre le geste et la parole, entre le rire, le sacré et le savant, c'est qu'elle est très exposée dans la corrida contemporaine, sous le regard de dieux très bons et très méchants, au bord de la Méditerranée qui n'a jamais su faire de poésie sans morale et qui s'est crue immortelle alors qu'elle lave le fiel de ses rancoeurs et qu'elle paye le prix de ses défaites avec la lumière de ses flots caverneux.


Septembre 1996
  

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Claude Alranq
Claude Alranq
 Notes et bibliographies

(1) La plupart provient des collectages de Roumanille (Provence), Bladé (Gascogne) et Pourrat (Auvergne).

(2) "La Canacruda" : A. Cassagnan
"Joan de Pas'nloc" : J.C. Forêt
"Gran de Mieh" : A. Surre Garcia et B. Cauhapé.

(3) Travestis célèbres qui firent respectivement rire aux éclats tout le Toulouse et tout le Nice des lendemains de la Libération.

(4) Il convient de faire la différence entre la pastorale méditerranéenne et la pastorale gasconne qui est un genre beaucoup plus éclectique (histoire, religion, folklore…).

(5) Rares sont les auteurs provençaux qui ne se sont pas essayés dans le genre. Mais les deux pastorales de référence sont celles de Maurel (1844) et Audibert (1896), deux Marseillais.
  

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