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mercredi 5 février 2025Séminaire d'étude "Editer la littérature orale " ...» Séminaire 1 ...» Contribution d'Isabel LavarecConnexion
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 De l'importance d'une édition de qualité pour la littérature orale

En retraite et de formation scientifique (agrégée des Sciences de la Vie et de la Terre), je dois avouer, que je me sens peu légitime pour faire une intervention lors de ce séminaire «  éditer la littérature orale. »

Cependant, au long de mon parcours, j’ai pratiqué quelques activités annexes qui pourraient montrer mon intérêt pour ce travail. :

  • J’ai créé et édité de nombreux manuels scolaires chez Nathan et Sed (douze séries d’ouvrages, destinés aux enfants et enseignants d’école maternelle et primaire), j’ai donc pu prendre connaissance de quelques contraintes exigées par l’édition ;

  •  J’ai participé à la récolte de récits de vie sous l’égide d’une anthropologue (Catherine Barrière), j’ai pu alors mesurer l’importance des méthodes et des techniques utilisées et de certaines de leurs limites ;

  •  J’ai conté au sein de l’association « Aural » et suivi de nombreux stages, je commence à entrevoir quelques uns des besoins de conteurs.

« Editer la littérature orale », semble paradoxal, même si l’on sait, et, c’est l’introduction du prospectus publié par le Cmlo, que fixer ce type d’expression fut l’obsession des hommes depuis la nuit des temps. Ces traces «  écrites », dessins sur roche ou tissus, peintures sur divers supports, hiéroglyphes, écritures cunéiformes, restaient relativement peu répandues et devaient être, j’ose le croire, sous le contrôle des « sages de la tradition » ; l’apparition de l’imprimerie et son évolution les ont multipliées.

Aujourd’hui, avec la publication ouverte à tout le monde et les contes revenus au goût du jour, les textes, se réclamant de la « littérature orale », prolifèrent aussi bien en librairie que sur la toile. Les contes, mythes ou légendes y occupent une grande place.

Mais, comment savoir si le récit nommé « conte »  a été composé oralement, transmis et transcrit ou s’il est une simple création d’un auteur contemporain ? La typologie «  conte, mythe ou légende » ne garantit rien, ni l’âge ni la source des histoires, ni la transmission à travers les temps.

Comment séparer le bon grain de l’ivraie ?

En essayant de dater ces textes disant appartenir à la « littérature orale » ? Peut-être. Mais alors, par où commencer ?

  • Par la source indiquée en bas de l’écrit ? Les trois quarts du temps, la source est peu citée ou lorsqu’elle l’est, elle semble confuse, fantaisiste, voire même inventée.

  • Par la sémantique ? Les récits sont souvent écrits dans une langue minimaliste, rétrécie, amoindrie, appauvrie, où les codes de l’oral et de l’écrit sont plus ou moins confondus.

  • Par la reconnaissance de la langue orale ? lire des textes « écrits comme on parle » (habitudes prises par les nombreux sms, twits ou messages électroniques envoyés par jour) ne choquent plus personne et peuvent même être pris comme preuve d’histoire folklorique entendue et retranscrite.

Il est donc urgent, aujourd’hui, dans cette perte de repères sans doute due à la mondialisation, de faciliter la distinction entre le vrai texte traditionnel et le faux. Non seulement pour une reconnaissance de la « littérature orale » mais, aussi et surtout, pour recevoir et transmettre toutes ces expressions particulières, ces spécificités, ces symboles, ces folklores, ces messages qui nous permettent d’avoir une identité et de nous sentir une appartenance.

La confusion des genres (littérature orale traditionnelle et écrits récents, parfois, sans grand fond) nous amène aussi à poser quelques questions : en mettant tout dans le même sac, ne peut-il pas y avoir déception ? l’intérêt pour les contes et autres sera-t-il toujours aussi grand ? Les éditeurs, contraints par l’aspect mercantile, continueront-ils à les éditer ? (Essayez d’acheter un cd de musique arlésienne et vous comprendrez ! )

A plus ou moins long terme, un pan de notre histoire et de tout ce qui contribue à fabriquer notre humanité et notre appartenance à un groupe n’est-il pas en danger de disparaître ?

Editer ces traces réelles de littérature orale (et non inventées par un esprit actuel malin et créatif) devient une nécessité. Oui, mais,

Comment la rendre lisible et la diffuser ?

L’édition varie en fonction du public visé, enfants, adultes, loisirs ou documents de travail pour spécialistes.

Cependant, quelque soit l’objectif, rien n’empêche l’éditeur de préciser de façon plus ou moins exhaustive la source datée du récit et le contexte de la récolte.

Un survol rapide de quelques livres montre que pour les :

  • Ouvrages pour grand public pris au hasard  (voir tableau) :

  1. Des précisions sur la source du texte, le contexte, la transmission, la récolte et même sur diverses variations de motifs peuvent apparaître sans pour autant gêner la lecture.

  2. Ces précisions semblent former un plus apporté par certains éditeurs mais non par tous

Pourquoi ? Quelles sont leurs motivations pour le faire ou ne pas le faire ?

  • Ouvrages pour spécialistes

Ici sources et méthodes de récoltes sont rapportées soient en préface, en notes de fin de pages ou de fin d’ouvrages. Seul les contenus des commentaires ou les apports supplémentaires varient en fonction des éditeurs.

Je me suis amusée à comparer un même conte « le héron et la cigogne »dans deux éditions différentes :

  1. Imago 2008 « contes russes » tome 1 Afanassiev traduit par Lise Gruel Apert page 94

  2. Corti 2009 «  l’aile bleue des contes : l’oiseau » Fabienne Raphoz  anthologie commentée et illustrée par Ianna Andréadis page 88

Le conte est le même (même auteur, même traducteur), seul change les annexes. Pour le récit russe, le lecteur est renvoyé à la page 373 où il ne se retrouve pas vraiment.

Pour le récit 2, sont indiqués  non seulement les noms de l’auteur et de la traductrice, mais aussi la place du conte dans la classification Aarne Thompson avec :

  • quelques informations de différents ordres

  • et commentaires sur les « personnages », racine des noms, symbolisation dans différentes cultures etc.. il nous est aussi renvoyé à des contes concernant des animaux ayant la même fonction dans d’autres cultures.

Les éditions Corti sont vraiment des mines d’informations, des documents appréciés par leurs choix de thèmes, leurs préfaces et leurs dossiers complémentaires qui ouvrent sur différents horizons et cultures.

Que dire en conclusion ?

Actuellement, sur le marché, on peut trouver tout et n’importe quoi, se réclamant de la littérature orale. Il me semble qu’une des premières mesures à prendre pour éviter les confusions, les contre sens, voire même les absences de sens et à terme le rejet de ce type de littérature, serait d’obtenir une exigence éditoriale : quelque soit le public visé, il est primordial de donner un minimum d’informations sur les sources du conte, la récolte et leurs contextualisations.

Ces précisions seraient en quelque sorte une garantie d’appartenance à la littérature orale.

Elles en seraient le label d’authenticité.


Commentaires

Contes-et-Merveilles 
mardi 30 octobre 2012 11:34
je trouve, si je peux me permettre, que vous faites très bien le tour du sujet, je suis en accord avec votre réflexion... et ai tenté d'être en cohérence à l'occasion de ma toute récente et modeste expérience avec les "Contes & Légendes d'Ille-et-Vilaine" chez De Borée, incluant, outre la préface et l'avant-propos, un paragraphe d'intro pour la quasi totalité des + de 100 récits, suivis d'un Relevé des contes-types selon la classification internationale Aarne et Thompson (pour environ 1/3 des textes), Index des communes citées, relevé de Contes à priori accessibles aux enfants, Bibliographie-source exhaustive, Hommage aux informatrices et informateurs (relevé de leur diversité authentiquement populaire sur 200 ans), De l'art de tendre l'oreille (conteurs actifs actuellement, lieux...)
    

  

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