Définition :
Le mot conte apparaît en français au XIIème siècle relativement au verbe conter. Ce verbe est lui-même relatif au terme latin computare qui est aussi à la base du verbe compter. Ce terme appartient à une famille de mots construits à partir de putare signifiant "émonder les arbres" et "apurer un compte" d'où juger, penser. Ce n'est qu'à partir du XIVème siècle que le terme compter se spécialise dans le sens de calculer. Conter, c'était à l'origine "relater un fait en énumérant ses diverses circonstances".
Le conte est défini comme un récit situé dans un temps et un lieu indéterminés. Il est un récit apparemment simple, presque naïf. Mais il est à la fois transparent et opaque, sa simplicité est trompeuse. On pressent très vite que ce récit ingénu dissimule des significations importantes, on sent confusément qu'il dit autre chose que ce qu'il dit. Comme le rêve, il se présente avec un contenu manifeste qui dissimule un contenu latent.
Les divers types de conte : (D'après la classification internationale Aarne et Thompson)
- Les contes d'animaux (T1-T299)
Les contes d'animaux constituent un ensemble relativement clos. De ces animaux domestiques et/ou sauvages, l'un est plus généralement rusé. Le plus puissant est toujours floué ou ridiculisé par son adversaire rusé. Ces contes sont constitués de récits épisodiques pouvant s'enchaîner, car le naïf ou le malveillant ne tire aucune leçon de ses mésaventures. Ils s'organisent en cycles, tel celui du renard et du loup.
- Les contes merveilleux (T300 à T749)
De façon générale, les contes merveilleux retracent des itinéraires. Leurs héros, jeunes et démunis au départ de la maison familiale, franchissent avec l'aide de personnages surnaturels envers lesquels ils se sont montrés compatissants, des épreuves qualifiées à juste titre d'initiatoires marquant les divers moments de passage de l'enfance et de la jeunesse jusqu'à l'adulte accompli.
L'accession à la maturité est représentée par le mariage heureux et la paternité et se double souvent de la cession du pouvoir royal par le père de la princesse conquise. Quelques contes comme "le petit poucet" ou "chaperon rouge" ne retracent que le début du parcours puisque les héros, après un premier périple aventureux, retournent vivre auprès de leurs parents.
Ces contes sont considérés comme initiatiques car ils montrent la voie, ils disent ce qui doit être, sous forme d'image, sans être didactiques ou moraux.
La ressemblance profonde entre les contes merveilleux, leur unité de sens et de style, induit et autorise chez les conteurs des permutations, des libertés en tous points conformes à l'esprit de la tradition orale.
Dans ces contes, le merveilleux est laïque : même si dans certains contes la Sainte Vierge se superpose à l'aide magique, la christianisation reste superficielle et la mère de Dieu agit comme une fée.
Il existe peu de contes merveilleux appartenant à l'aire européenne qui ne mériteraient de porter le titre de "voyage dans l'autre monde". Dans les racines du conte merveilleux, Vladimir Propp développe l'idée déjà amorcée dans les "morphologies du conte" qu'un des principaux fondements structurels des contes, le voyage, est le reflet de certaines représentations sur le voyage des âmes dans l'autre monde. Il ajoute que le passage dans l'autre monde est en quelque sorte l'axe du conte et que ses formes sont multiples.
Il y avait une fois une reine qui vit du sang répandu sur la neige.
Elle pensa alors qu'elle avait douze fils et pas de fille :
"Si j'avais une fille aussi blanche que la neige et aussi rouge que le sang,
je ne me soucierais plus de mes fils"
Une vieille sorcière du peuple des Trolls lui apparaît
et lui annonce que les garçons lui appartiendront
au moment où la fille sera baptisée.
Elle met alors au monde une petite fille
blanche comme la neige et rouge comme le sang.
La reine fait fabriquer douze cuillères d'argent plus une.....
Les douze Canards sauvages
Version scandinave de "La petite fille qui cherche ses frères" (T 451)
- Les contes religieux (T 750 - T 849)
Ces contes se réfèrent en priorité à l'imaginaire chrétien. Ici la littérature orale exprime les représentations de l'au-delà et traite du passage de la frontière avec l'autre monde. Edifiants et graves quand il s'agit du devenir de l'âme, les contes religieux sont poétiques ou plaisants lorsqu'ils narrent des moments de l'enfance du Christ ou bien ses visites sur terre. Certains de ces contes se sont transformés en légendes ou en étiologies. Ils peuvent aussi donner lieu à des récits quasiment facétieux.
- Les contes nouvelles (T850 à T999)
Ces récits entre le conte et la nouvelle sont des itinéraires, des tranches de vie ou se réduisent au temps d'un échange verbal, d'une joute spirituelle entre deux protagonistes. Contes de l'intelligence, du courage et de l'astuce, ils sont le lieu de la littérature orale où des personnages émergent, prenant en main leur destin. Une notion de justice et de morale pointe sous la plupart de ces contes, confirmant leur singularité.
- Les contes de l'ogre (ou du Diable) dupé (T1000 -T1199)
Les contes du diable dupé ou de l'ogre stupide, disent les aventures d'un garçon ou d'un homme futé qui, par son astuce et sa persévérance, se joue de la méchanceté et de la bêtise de l'autre : un diable sans aucune connotation religieuse, un ogre stupide ou bien un fermier despotique qui l'emploie ou tente de lui nuire. Ils sont comme les contes d'animaux constitués de récits épisodiques pouvant s'enchaîner à loisir dans un ordre variable, puisque le naïf ou le malveillant ne tire aucune leçon de ses mésaventures.
- Les contes facétieux (T1200 à T1999)
Histoires d'idiots, histoires sur les époux, histoires à propos d'une femme ou d'une fille, histoires à propos d'un garçon ou d'un homme qui se subdivisent elles-mêmes en plusieurs ensembles regroupant les thèmes du garçon habile, des accidents heureux et de l'homme stupide. Jean le Sot est la figure emblématique des contes fécétieux. Il n'éprouve aucun attrait pour les filles et ne voit pas l'intérêt qu'il aurait à quitter le giron maternel.
Certains de ces contes sont considérés au XIXème siècle comme licencieux. Les personnages s'opposent : les niais font rire à leurs dépens, les dégourdis font rire aux dépens des autres. Les prêtres y sont mis en scène dans leurs relations avec les femmes mais aussi avec leurs paroissiens. On y retrouve aussi les anecdotes sur d'autres groupes de personnes (Béotiana) et les contes mensonges (menteries). La vantardise des chasseurs s'y taille souvent la part belle.
Ecouter la Conférence de Marc Aubaret, directeur du CMLO : "Le conte facétieux, rire de ce que l'on ne souhaite pas transgresser" - Septembre 08 à Montpellier
- Les contes formulaires (T2000 à T2399)
Ces contes se distinguent par la fixité de leur forme. On y retrouve les randonnées. Les contes attrapes et les contes inachevés (qui sont basés sur des pirouettes verbales par lesquelles le conteur ou la conteuse signifie qu'il ou elle ne veut rien dire, soit qu'il amène l'auditeur à poser une question à laquelle il répond par une moquerie. L'histoire qui ne finit pas et celles qui se répètent à l'infini font partie des autres contes formulaires).
Les analyses de chaque type sont extraites de "Repérage et typologie des contes populaires. Pourquoi? Comment? in Bulletin de liaison de l'AFAS n° 41, Automne 1999 et écrit par Josiane Bru. Centre d'Anthropologie de Toulouse, 39 allée Jules Gesde - 31400 Toulouse.