SOMMAIRE
A. Quelques pistes de travail destinées aux enseignants
B. Comment lire un conte ?
C. Comment dire un conte ?
A. Quelques pistes de travail destinées aux enseignants
Nous avons repris quelques recommandations des Programmes Officiels pour envisager leurs applications dans le cadre d’une étude des contes.
I. 6ème : Les textes à dominante narrative sont envisagés essentiellement à travers la succession chronologique des événements.
a. Pour permettre aux élèves de s’approprier la structure d’un conte et la succession chronologique des événements, les exercices de transcodage, de schématisation constituent d’excellents outils de compréhension. Ce sont des écrits intermédiaires qui pourront être utilisés par les élèves dans d’autres situations d’apprentissage, de lecture ou d’écriture. Ils font partie des compétences transversales nécessaires à l’appropriation des connaissances.
Il s’agit de demander aux élèves de noter les lieux d’ancrage géographique dans le cheminement du héros, ce cheminement s’inscrivant dans un ordre chronologique.
b. Les récits traditionnels, souvent déjà connus des élèves, permettent également la mise en place d’une autre compétence transversale : résumer.
Retrouver la trame d’un conte permettra de raconter en ayant des « balises » facilitatrices. Le professeur demandera de découper le récit en séquences ou – pour les élèves en grande difficulté- d’abord en courts syntagmes.
c. La lecture des contes permet par ailleurs de motiver les élèves lecteurs médiocres qui se heurtent toujours aux mêmes difficultés que sont :
- Les jeux sur les temps ; dans les contes il y a peu de ces retours en arrière qui déconcertent les jeunes lecteurs, en revanche on peut les faire travailler sur les ellipses narratives, le présent de narration qu’on distinguera du présent des commentaires.
- A l’écrit ou au cours d’un travail sur le « conter » on demandera aux élèves de trouver d’autres outils que « et puis » pour marquer la succession des événements.
- Les changements de points de vue perturbants pour les lecteurs en difficulté n’existent pas dans le conte. C’est le conteur, en tant que témoin, qui prend en charge le récit.
- La reformulation dans la désignation des personnages. Dans les contes avec peu de personnages on peut faire travailler plus facilement la chaîne référentielle. Les contes, qui mettent en scène des rôles plutôt que des personnages ne s’attardent pas sur la détermination patronymique ; il faudra donc reconnaître et trouver des substituts qui garantissent la compréhension par les auditeurs.
- L’implicite. Nous verrons plus loin comment l’oralisation du conte va permettre de comprendre l’implicite (intonation, mimiques …)
II. 5ème : On travaillera davantage la structuration spatiale de la description et la variété des situations illocutoires
a. La variété des situations illocutoires : narrateur, commentateur, voix des personnages… Les formules d’entrée et de sortie, les commentaires marquent le passage du côté de l’imaginaire. Ils permettent d’appréhender les frontières entre le monde commenté et le monde raconté. L’observation de ces frontières donne aux élèves des compétences pour prendre à leur tour de la distance dans les écrits qu’ils lisent ou écrivent, pour éviter d’y être englués et pour devenir des sujets lisant ou écrivant.
b. Faire découvrir la problématique de l’ailleurs et de l’altérité : Observer les variantes de plusieurs versions d’un même conte permet de prendre en compte les spécificités de chaque lieu, de chaque culture.
Voir à ce sujet les travaux de Nadine Decourt : Contes et diversité des cultures, Argos démarches, crdp Lyon, 1999 qui propose des applications en classe de primaire et au collège.
Contes maghrébins en situation interculturelle, Khartala, 1995. Anthologie de contes issus de l'immigration maghrébine proposant des variantes autour de divers motifs.
III. 4ème : Mise en évidence des symétries, mise en place d’un système de références culturelles
a. Mise en évidence des symétries : les oppositions fonctionnelles établissent la cohérence du conte.
b. A travers les commentaires du conteur, on fait percevoir les procédés de distanciation critique, on en fait créer.
c. Mise en place d’un système de références culturelles : approche des topoï littéraires ( le repas, le jardin…) ce qui permet de caractériser des esthétiques, des représentations culturelles. On peut se référer à l'ouvrage de Paul Delarue et M.L Ténèze intitulé Le conte populaire français. Catalogue raisonné des versions de France qui complète la proposition de différentes versions françaises par une analyse des éléments du conte.
Nous proposons plus loin un travail de comparaison sur les variantes et un travail de collecte autour d’images à se constituer.
IV. 3ème : Maîtrise des marques de l’énonciation, Travail sur le symbolique, Travail sur la condensation ou l’expansion
a. Maîtrise des marques de l’énonciation : présence ou effacement du « je », marques de l’interlocution, notion de modalisation…Nous avons vu plus haut que les variétés illocutoires du conte permettaient une observation particulièrement pertinente de l’engagement du sujet dans la parole. (interpellation de l’auditeur, effets de réel, ambiguïté de la présence du « je » du conteur)
b. Travail sur le symbolique. Voir à ce sujet :
Dictionnaire des symboles, mythes, rêves, coutumes, gestes, formes, figures, normes.../ Jean Chevalier et Alain Gheerbrant - R. Laffont /Jupiter - (Coll Bouquins ) -1983
Les structures anthropologiques de l'imaginaire / Gilbert Durand – Dunod – 1997 (1ère édition 1969)
Théorie du symbole/ Tzvetan Todorov- Seuil - Point -1977
L’homme et ses symboles /C.G. Jung - Laffont -1990
Vous pouvez consulter ces ouvrages au CMLO
c. Travail sur la condensation ou l’expansion
B. Comment lire un conte ?
I. Les personnages
- Observer leurs dénominations
- L’ordre de leurs apparitions au cours du récit
- Leurs caractérisations
- Les effets d’annonce
- Leurs discours (certains personnages ne disent jamais les choses directement ; travail sur la métaphore dans ces discours )
Exercice oral : Faire raconter par un narrateur et faire intervenir pour les dialogues d'autres élèves.
Exercice oral : Prise en charge des paroles des personnages : comment parle un vieille sorcière ? Que dit l’oiseau ? Chercher des mots dont les sons évoquent le pépiement de l’oiseau, les grognements de tel autre animal… Travailler sur les allitérations, les rythmes.
Exercice oral : travail sur les actes de paroles implicites et sur les spécificités de l’oralisation où l’intonation, le rythme du débit sont autant de révélateurs du sens. Ce travail permet aux élèves de prendre conscience que le conte est un récit, mais que c’est aussi un discours qui présente des marques d’implication et qui s’adresse à des auditeurs. Le conte est un art de la relation plus qu’un art du spectacle
Raconter un même conte à une classe de maternelle et à des camarades de 5°
Exercice oral : Changement de point de vue. « Intégrer le personnage », raconter ce qu’il voit, ressent, d’une façon subjective. Un passage du conte est choisi pour être perçu à travers le regard et la sensibilité d’un personnage. Ne pas oublier toutefois que, dans le conte, les personnages n’ont pas de psychologie, ce sont des « contenants » d’un contenu symbolique.
Puis raconter le même passage du point de vue omniscient du narrateur, ce qui permet de faire intervenir des commentaires et de s’adresser aux auditeurs.
Les deux exercices s’enrichissent mutuellement et permettent au conteur d’être plus juste dans ses choix. Le conteur est un « témoin », ce n’est pas un acteur en représentation ; pour autant sa parole doit être nourrie d’images.
Exercice écrit : On peut reprendre cet exercice en demandant aux élèves de travailler une description en prenant tour à tour le point de vue d’un personnage puis d’un autre. L’exercice limite serait de demander le point de vue du petit pot de beurre !!!
II. Les dynamiques
Le catalogue raisonné des versions de France de Paul Delarue et M.L Ténèze sera un outil précieux pour mettre en place ces exercices.
- Observer les changements d’état
- Les changements de lieux
- Les disparitions et les apparitions.
Exercice écrit de transcodage : Passer du récit au schéma, faire la carte d'un conte. Demander aux élèves de transcrire schématiquement le cheminement géographique du héros. Cet exercice peut être un préalable à un exercice de contage. Il permet de mettre en place une spatialisation dans la restitution.
III. Références culturelles
- Faire constituer une petite anthologie de formules d’entrée et de sortie ;
- De formulettes
- De descriptions stéréotypées (repas plantureux, rivières, forêts…)
IV. Construire la lecture comparative des contes
Voir à ce sujet :
- Travail sur le Petit Chaperon Rouge
- Editions Syros, collection Le tour du monde d'un conte
- Sous la Cendre. Figures de Cendrillon. Anthologie établie et postfacée par NIcole Belmont et Elisabeth Lemire, Corti coll. Merveilleux, 2007
C. Comment dire un conte ?
I. Permettre de passer au « conter »
Schématisation d’une structure narrative :
Lecture intégrale par les élèves (ou contage par un conteur ).
Le conte est ensuite découpé en courtes séquences.
Chaque élève prend en charge une séquence qu’il nourrit d’images mentales élaborées en travaillant sur les 5 sens. Il devra aussi veiller à la cohérence du récit en respectant ce qui a déjà été proposé par ses camarades.
Par exemple : - Une femme va laver du linge à la rivière et se fait enlever par un ours
- Dans la caverne l’ours et la femme ont un enfant ; l’ours ferme la porte par une grosse pierre
- L’enfant sort avec sa mère, retourne au village de sa mère ;
- Au village l’enfant casse tout, il est rejeté, il veut partir du village…..
On demandera au premier élève : Quel temps fait-il ? Comment est la rivière ? C’est un torrent ? Une rivière plutôt calme ? De quelles couleurs sont les eaux ? C’est l’été ? L’hiver ? etc… Toutes questions qui l’aideront à se construire des images mentales qui constitueront un arrière plan, un monde mental qui permettra au récit d’advenir et d’exister d’abord dans la tête de celui qui conte, puis aux oreilles de ceux qui écoutent. Ce sont ce paysage, cette ambiance, cette saison qui créeront l’espace symbolique du conte.
On peut commencer cet exercice par un court « récit de vie ». Un élève raconte ce qu’il a fait depuis le matin. Puis un élève raconte ce que l’autre a fait. La difficulté sera de nourrir le récit. Le professeur peut faciliter la tâche en posant des questions (il faisait froid ? doux ? Ca sentait le pain grillé, l’essence ? quelles couleurs ? quelles odeurs ? Quels bruits ? )
II. Travail sur le corps et la voix
Avec la participation d'un intervenant-conteur, on demandera aux élèves d'observer la gestuelle, le débit, les mimiques, les silences...Voir à ce sujet l'ouvrage de Michel Hindenoch, Conter, un art ?, La Loupiote, 1997
III. Utilisation d’illustrations de scènes clés
Voir à ce sujet :
Travail sur les contes de Perrault et les illustrations de Gustave Doré (lien)